16 Avril 2015

Raie d'annihilation positron/électron à 511 keV

Integral a permis en 2004 et 2005 l'établissement, à partir de l'instrument français SPI (Spectromètre pour Integral), de la première carte complète de l'émission à 511 keV (énergie de l'annihilation positron/électron). Cette annihilation entre matière et antimatière a lieu principalement dans la région du bulbe galactique. Les avancées faites dans la technologie de conception d'Integral, ont permis d'obtenir une très grande sensibilité et une grande résolution capable de révéler l'existence des faibles émissions du disque. Suite aux résultats de ses prédécesseurs, des modèles ont été développés afin de comprendre la répartition de l'antimatière dans la Voie Lactée. Grâce à SPI, en 2007 certains de ces modèles ont été remis en cause, permettant d'affiner encore notre connaissance sur le sujet. Reste la question des sources de positrons, dont les candidats principaux sont les explosions d'étoiles en fin de vie, dites "supernovae" et les couples d'étoiles violentes (étoiles binaires X, en anglais X-ray Binaries). Cela nous conduiras peut-être à devoir introduire une nouvelle type de matière noire dite "légère" (LDM)...

La premiere carte du ciel complet a l'energie de la raie d'annihilation electron/antielectron a 511 keV
La première carte du ciel complet à l'énergie de la raie d'annihilation électron/antiélectron à 511 keV
(Crédit J. Knödlseder - CESR - septembre 2005).
Bientôt une nouvelle carte plus détaillée sera publiée avec plus de 4 ans
d'observations et peut-être de nouveaux résultats !

Integral éclaircit le mystère de l'antimatière au centre de la Galaxie

Depuis 30 ans, nous observons une quantité phénoménale d'antimatière au centre de notre Galaxie dont l'origine a longtemps excité l'imagination des astrophysiciens. Les observations accumulées sur près de 5 ans du satellite Integral de l'ESA, et de l'instrument SPI du CNES en particulier, ont permis à une équipe internationale de scientifiques de lever une partie du voile du mystère.

Cette équipe, avec en première ligne des chercheurs du CESR (laboratoire d'astrophysique du CNRS à Toulouse) et du CEA (Saclay) a montré qu'une partie importante de l'antimatière créée dans le plan galactique provient de couples d'étoiles particuliers : un trou noir ou une étoile à neutrons qui arrache grâce à son champ gravitationnel colossal de la matière à un compagnon de masse inférieure ou égale à celle du Soleil.

Cette découverte explique la moitié de l'antimatière observée dans le bulbe central de la Voie Lactée. Pour le reste, il faut invoquer d'autres contributeurs comme le trou noir super massif au centre de notre galaxie, des supernovae. Même si tout le mystère n'est pas résolu, les hypothèses d'origine plus exotiques comme de la matière noire paraissent maintenant moins crédibles.

Carte de la voie Lactée par SPI et par IBIS
A gauche la carte de la Voie lactée observée par SPI à l'énergie de 511 keV représentée en coordonnées galactiques où le plan de la Galaxie est la ligne centrale de part et d'autre du centre galactique situé à la position (0,0). A une émission symétrique de largeur à mi-hauteur de 6 degrés (le bulbe galactique) s'ajoute une extension d'un côté du disque galactique. Le code de couleur indique l'intensité du signal (blanc plus intense). A droite la répartition des systèmes binaires X de faible masse détectés par le télescope IBIS/ISGRI à bord du satellite INTEGRAL. Une concentration plus importante dans la même direction est visible, suggérant que ces systèmes binaires X sont les sources d'antimatière dans les régions internes du disque galactique. (Crédit équipes Intégral CEA et CESR)

L'annihilation des positrons galactiques ne nécessite pas de la matière noire

La carte de raie d'émission à 511 keV d'Integral a été utilisée pour déterminer que la matière noire n'est pas à l'origine de l'annihilation des positrons galactiques. Dans un article récent publiés dans Physical Review Letters, Richard Lingenfelter et ses collègues ont démontré que contrairement a ce qui avait é supposé ces dernières années, il n'est pas besoin d'avoir recourt à des sources exotiques pour expliquer les caractéristiques spatiales et spectrales observées par Integral.

Durant de nombreuses années la supposition soutenant l'interprétation des données à 511 keV fut que les positrons s'annihilent près de leur source car les conditions qu'ils rencontrent sont telles qu'ils ne peuvent pas se propager sur de très longues distances. En se basant sur cette supposition, on s'attend à ce que la distribution des radiations corresponds fortement à la distribution des sources.

Dans une publication du Physical Review Letters de Richard Lingenfelter et ses collègues James Higdon et Richard Rothschild parue le 17 juillet remet de l'ordre dans la discussion. Le principal point mis en avant par les auteurs est qu'il est incorrecte d'assumer que les positrons ne peuvent pas se propager sur de grandes distances, ce qui était la supposition majeure pour l'hypothèse de la matière noire. En fait, comme les électrons des rayons cosmiques de même énergie, les positrons peuvent voyager sans encombre sur des distances à l'échelle du kiloparsec car, comme les auteurs l'ont montré, leur interaction avec les fluctuations magnétiques à travers la Galaxie sont trop faibles pour les affecter de façon significative.

Une fois supprimé l'obstacle de la propagation des positrons, les auteurs peuvent maintenant expliquer le ratio du flux observé en termes de sources classiques de positrons. De plus, en permettant la propagation des positrons il est possible d'expliquer une autre caractéristique des radiations, c'est-à-dire le ratio entre le flux de la raie à 511 et le continuum positonium, un aspect négligé par les solutions de la matière noire au problème. Dans un deuxième article publié dans l'Astrophysical Journal, les auteurs montrent que l'asymétrie observée peut être expliquée par l'asymétrie du bras spiral de la Galaxie vue depuis le Système Solaire, mettant fin finalement au besoin d'avoir recourt à des explications exotiques pour les observation expérimentales.

Références :

  • Lingenfelter, R.E., Higdon, J.C. Rothschild, R.E., "Is There a Dark Matter Signal in the Galactic Positron Annihilation Radiation?", Physical Review Letters, Volume 103, Issue 3, 031301, 2009. DOI:10.1103/PhysRevLett.103.031301
  • Higdon, J. C., Lingenfelter, R. E., Rothschild, R. E., "The Galactic Positron Annihilation Radiation and the Propagation of Positrons in the Interstellar Medium", The Astrophysical Journal, Volume 698, Issue 1, pp. 350-379, 2009. DOI:10.1088/0004-637X/698/1/350
  • Georg Weidenspointner, Gerry Skinner, Pierre Jean, Jürgen Knödlseder, Peter von Ballmoos, Giovanni Bignami, Roland Diehl, Andrew W. Strong, Bertrand Cordier, Stephane Schanne, Christoph Winkler "An asymmetric distribution of positrons in the Galactic disk revealed by gamma-rays", Nature du 10 janvier 2008
  • Knödlseder, J. et al "The all-sky distribution of the 511 keV electron-positron annihilation emission." Astronomy & Astrophysics 441 (2005): 513-532
  • Weidenspointner, G. et al "The sky distribution of 511 keV positron annihilation line emission as measured with INTEGRAL/SPI." arXiv : astro-ph/0702621v1 (2007)
  • Milne, Peter A. D. "Distribution of Positron Annihilation Radiation." New Astronomy Reviews 50.7-8 (2006): 548-552

Pour en savoir plus :